Par Elisabeth Robinson

Société de fait

La société de fait est un partenariat informel dans lequel des personnes collaborent à un objectif commun sans qu'un accord formel n'ait été conclu. Des personnes choisissent parfois de former une société de fait pour plusieurs raisons, bien que cela puisse être le résultat d'une décision informelle plutôt que d'une planification délibérée. Dans cet article, nous allons comprendre ce qu’est une société de fait, ce qu’elle engage, les responsabilités des différentes parties et leur régime fiscal et social.

Qu'est-ce que la société de fait ?

Une société de fait, également appelée sociétés en participation, est une entente tacite ou verbale entre deux personnes ou plus, dans le but de mener une activité économique commune. Elle repose souvent sur la confiance mutuelle entre les partenaires et n'implique généralement pas d'enregistrement officiel. Contrairement aux formes juridiques plus formalisées, comme les sociétés anonymes ou les sociétés à responsabilité limitée, ce type de société n'est pas constitué par un contrat ou des statuts légaux.

La principale différence entre une société de fait et une société de droit réside dans la formalisation et la reconnaissance légale de l’entreprise. La société de droit est formelle, avec des statuts, un enregistrement légal, une responsabilité limitée et la reconnaissance juridique distincte des propriétaires, tandis qu’une société de fait est informelle, sans formalités légales, ni responsabilité personnelle. C’est un type de société idéal pour les concubins partageant la même activité ou encore l’association d’activités libérales (groupement de médecins, de thérapeutes, etc).

La reconnaissance d'une société de fait dépend généralement de certains critères. Bien que ces critères puissent varier selon la juridiction, voici quelques éléments généraux pris en compte :

  • Il doit exister un accord tacite ou explicite entre les parties pour collaborer sur un pied d’égalité dans une activité économique commune.
  • Chaque partenaire contribuera aux pertes et aux profits générés par l'activité commune.
  • Chaque partenaire doit contribuer activement à l'entreprise en apportant des ressources, des compétences ou d'autres contributions pertinentes.
  • Il ne doit pas y avoir de formalités légales formelles telles que la rédaction de statuts, l'enregistrement auprès d'une autorité compétente, etc.

Constitution et fonctionnement d’une société de fait

La création informelle d'une société de fait implique un accord mutuel entre les parties, sans formalités légales. Ils peuvent convenir du partage des responsabilités, des profits et des pertes. La gestion des apports, qu'ils soient financiers, en compétences ou en ressources, est définie au sein de l'accord informel.

Exemple de constitution

Deux concubins peuvent créer une société de fait pour gérer un projet commun, une entreprise ou des biens. Ils définissent les règles de collaboration, le partage des gains, et d'autres aspects importants informellement, par exemple, en discutant et en formalisant leur accord par écrit sans recourir à une structure juridique formelle. Cette approche informelle permet la flexibilité, mais il est conseillé d'établir clairement les termes pour éviter les conflits potentiels.

Responsabilités des associés d’une société de fait

L'existence d'une société immatriculée au Registre du commerce et des sociétés (RCS) donne à chaque associé la responsabilité illimitée. Cette responsabilité signifie que les membres d'une entreprise sont personnellement responsables des dettes et des obligations de l'entreprise.

Il n'y a pas de distinction nette entre le patrimoine de l'entreprise et celui des associés. Si l'entreprise est incapable de rembourser ses dettes, les associés peuvent être contraints de vendre leurs biens personnels pour régler les créanciers, même si cela va au-delà de la valeur de leur participation dans l'entreprise.

Les litiges et les dettes de l'entreprise peuvent affecter la cote de crédit personnelle des associés. Cela peut compliquer l'accès au crédit personnel ou professionnel à l'avenir. Chaque associé est généralement responsable des actes des autres. Ainsi, si un associé engage l'entreprise de manière irresponsable, tous les associés peuvent être tenus responsables des conséquences financières.

Société de fait : régime fiscal

Les sociétés de fait sont généralement transparentes sur le plan fiscal, ce qui signifie que les bénéfices et les pertes sont imputés directement aux associés. Ces sociétés ne sont pas imposées en tant qu'entités distinctes. Les associés déclarent leur part des bénéfices dans leur déclaration personnelle de revenus.

En plus de l'impôt sur le revenu, les associés peuvent également être soumis à des contributions sociales sur leurs revenus provenant de la société de fait. Ces contributions servent souvent à financer la sécurité sociale et d'autres régimes sociaux.

Quelques conseils pour la gestion fiscale d’une société de fait

Pour mieux gérer la partie fiscalité d’une société de fait, voici quelques démarches à suivre : 

  1. Tenir rigoureusement les registres financiers (revenus, dépenses, bénéfices) ;
  2. Établir un plan fiscal pour minimiser l’impact fiscal pour les associés ;
  3. Engager un expert comptable ou un fiscaliste pour optimiser la gestion fiscale ;
  4. Respecter les obligations fiscales et les échéances de déclaration pour éviter les sanctions.

Régime social des dirigeants d’une société créée de fait

Dans le cas des sociétés de fait, les associés sont souvent considérés comme travailleurs indépendants. Le statut social des dirigeants d'une société créée de fait a des implications spécifiques pour la protection sociale et les cotisations :

  • La couverture sociale est réduite par rapport aux salariés, car ils ne bénéficient pas automatiquement des régimes de sécurité sociale liés à l'emploi.
  • Ils sont responsables du paiement de leurs propres cotisations sociales et doivent s'assurer de couvrir les contributions requises pour garantir leur protection sociale et leurs droits en matière de retraite.
  • Ils doivent inclure la planification de leur protection sociale dans leur gestion financière personnelle. Cela implique d'évaluer les options disponibles et de budgétiser les cotisations nécessaires.

Il est important pour les dirigeants d'une société de fait de comprendre les implications de leur statut social et de prendre des mesures proactives pour assurer une protection sociale adéquate.

Société de fait : risques et précautions

Il est important de noter que bien que la création d'une société de fait puisse présenter des avantages en termes de simplicité et de flexibilité, elle comporte également des risques. Les principaux risques sont les suivants :

  • Responsabilité illimitée : Les membres de la société de fait peuvent être personnellement responsables des dettes et obligations de la société, sans distinction entre le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel.
  • Absence de cadre juridique clair : En l'absence d'un contrat formel ou de statuts définissant les règles de fonctionnement, les litiges entre associés peuvent être difficiles à résoudre.
  • Questions fiscales complexes : Les implications fiscales d'une société de fait peuvent être complexes, notamment en ce qui concerne la déclaration des revenus et la TVA.

Pour éviter d’être confronté à des imprévus ou des déboires lors de l’activité de la société de faits, il est intéressant de :

  • Faire un contrat de société. Même s'il n'est pas nécessaire de constituer cette forme juridique par écrit, il est fortement recommandé de rédiger un contrat détaillé entre les associés. Cela devrait couvrir les contributions, les responsabilités, les modalités pour partager les bénéfices et la résolution des conflits.
  • Établir des clauses de dissolution dans le contrat pour définir les procédures à suivre en cas de désaccord ou de volonté de dissolution de l'entreprise.
  • Consulter des professionnels du droit des sociétés et de la fiscalité pour évaluer les risques spécifiques à l'activité et recevoir des conseils sur les meilleures pratiques.
  • Maintenir une gestion financière prudente en surveillant les dépenses et en établissant des budgets.
  • Encourager la séparation claire des biens personnels et professionnels pour protéger les actifs personnels des associés.
  • Souscrire à une assurance responsabilité civile pour couvrir les risques potentiels liés à l'activité de l'entreprise.

En adoptant une approche proactive et en mettant en place des mesures de protection, les associés d'une société de fait peuvent atténuer les risques et favoriser la stabilité et la durabilité de leur collaboration commerciale.

Dissolution et liquidation d’une société créée de fait

Il existe plusieurs cas de figure pour la dissolution d’une société de fait : 

  • La dissolution volontaire peut être déclenchée par une décision unanime des associés. Cette décision peut résulter de divers facteurs tels que la réalisation des objectifs de l'entreprise, le désir de se retirer, des divergences d'opinions, etc.
  • La dissolution forcée en cas de non-respect grave des termes du contrat ou de la loi et qu’un associé demande la dissolution forcée par le biais d'une procédure légale.

Dans le cas où la société créée serait dissoute, la liquidation judiciaire et le partage des biens doivent être fait comme suit : 

  1. Établir un inventaire complet des actifs (biens, propriétés, comptes bancaires) et des passifs (dettes, obligations financières).
  2. Utiliser les actifs de l'entreprise pour rembourser les dettes, dans l'ordre de priorité défini par la loi.
  3. Une fois les dettes réglées, les actifs résiduels sont distribués entre les associés conformément aux termes du contrat. Cela peut inclure le remboursement des contributions initiales et le partage des profits restants.
  4. Effectuer la mise à jour des démarches administratives nécessaires pour radier la société de fait des registres officiels.
  5. Faire les déclarations fiscales finales de la société de fait en s'assurant que toutes les obligations fiscales sont remplies et que les états financiers de clôtures sont établis.
  6. Informer les partenaires commerciaux, fournisseurs et autres parties prenantes de la dissolution de l'entreprise.
  7. Conserver tous les documents pertinents, y compris les contrats, les registres comptables et les documents de dissolution.

Conclusion

La création d' une société de fait peut être motivée par la simplicité et la flexibilité qu'elle offre, mais les associés doivent rester vigilants tout au long de la vie de l'entreprise. Le caractère informel de cette structure expose les associés à des risques, en particulier une responsabilité illimitée et des implications fiscales potentielles. Bien que la société de fait puisse convenir à certaines situations, il est essentiel pour les associés de comprendre les avantages et les inconvénients de cette forme d'entreprise, de prendre des décisions éclairées et, si nécessaire, de consulter des professionnels juridiques et financiers.

Sources